La forme poétique est mise en avant dans les deux premières rubriques de cette section. La troisième, où il est question d’un ouvrage en chantier sur la littérature européenne, me donne l'occasion, dans les premières pages, d'une "tentative de définition de la littérature". Voici un extrait du passage en question.
Le mot littérature vient du latin litteratura, terme dérivé de littera qui désigne à l’origine la lettre de l’alphabet mais a pris progressivement aussi le sens d’écriture, puis d’inscription. Le terme apparaît en Europe au XIIe siècle. Il désigne d’abord la graphie et l’alphabet puis, dans le domaine du savoir, la philologie et l’enseignement des notions de base, et encore l’érudition, la culture et finalement la littérature telle que nous l’entendons aujourd’hui : à la fois l’art littéraire et l’ensemble des œuvres relevant de cet art, les œuvres littéraires.
Tentons de cerner la notion à partir de quelques caractéristiques, tout en étant conscient que chacune d’entre elles pourrait être nuancée ou contestée.
La littérature consiste-t-elle uniquement en œuvres écrites ? Cette caractéristique nous paraît naturelle. Cependant, avant d’être la matière de livres, les épopées furent racontées, les poésies des troubadours chantées, les répliques des pièces de théâtre du Moyen Âge ou de la Commedia dell’arte déclamées, avec une bonne part d’improvisation. D’ailleurs le théâtre n’est vraiment théâtre que lorsqu’il est interprété même si, aujourd’hui, il est souvent écrit avant d’être mis en scène.
Une part importante de la littérature trouve son origine dans le mythe, comme le montrent les œuvres d’Homère ou des tragiques grecs. Mais les mythes ne deviennent littérature que lorsque la religion qui les a créés commence à décliner. Quand Ovide rédige les Métamorphoses au début du Ier siècle, la religion des anciens Grecs n’est plus et celle des anciens Romains est sur le point de disparaître également. De la matière religieuse ne demeure, à travers l’art du conteur, que la vision du monde offerte par le poète à l’aide d’une écriture tout à la fois épique, lyrique et tragique.
On retiendra de ces exemples que la littérature, le plus souvent envisagée de nos jours sous une forme écrite, notamment parce que le roman y domine, entretient une relation forte avec l’oralité. C’est vrai du théâtre, on l’a rappelé, mais aussi d’autres genres : on lit encore aux enfants des contes et il n’est pas rare que la poésie, se souvenant des troubadours, arrive jusqu’à nous sous forme de chansons. Les nouvelles et romans eux-mêmes, enregistrés par des comédiens, sont disponibles à l’écoute sur des appareils mobiles qui tendent à supplanter le livre. Si son histoire en Europe l’a conduite à devenir avant tout un art de l’écrit, la littérature n’a jamais perdu le lien avec l’art de la parole qu’elle fut à l’origine.
Un lien existe également avec la notion de savoir et de culture. L’usage littéraire se distingue des usages ayant une finalité pratique : listes de marchandises, généalogies princières, inscriptions funéraires, etc. Cette considération ne fait sans doute que déplacer le problème que pose la définition de la littérature car le savoir et moins encore la culture ne sont aisés à circonscrire. Mais si l’objet de la littérature n’est généralement pas d’enseigner, de transmettre des connaissances, l’activité littéraire appartient à la sphère de l’esprit. Elle s’inscrit dans la culture, en est une expression. Elle est un art qui entretient une relation avec les autres formes d’art (architecture, peinture, musique). Elle dit quelque chose de l’air du temps, s’y inscrit, le rejette ou prétend s’en détacher pour viser l’absolu. A son sommet elle incarne son époque tout en la dépassant pour parler aux hommes de toutes les époques.
[à suivre]
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