Du côté de mon père, c’est mon grand-oncle Jacques qui s’est penché le premier sur l’histoire de la famille. Il avait noté quelques informations dans un cahier que j’ai récupéré et ses recherches ont éveillé mon intérêt pour la généalogie. Par la suite, j’ai interrogé ma grand-mère paternelle qui avait des souvenirs de sa famille et de celle de son mari et s’intéressait aussi à ces questions. Ainsi, avant sa mort survenue en 1988, elle m’a donné de précieux renseignements qui ont servi plus tard de base à mes premières recherches.
Vers la fin des années 80, j’ai fait une escapade normande avec ma tante et mon oncle Pierre : nous avons retrouvé dans une bibliothèque un document signé d’un aïeul. Cette découverte nous a touchés et m’a décidé à approfondir et à rationaliser ma démarche.
L’idée de bâtir une base généalogique m’est venue après le premier voyage de recherches que j’ai effectué dans le Maine, région d’origine de ma grand-mère. Clin d’œil de l’histoire : 1992 est l’année de naissance de l’internet, mais il faudra plusieurs années avant que des données généalogiques ne soient accessibles par ce moyen. A l’époque, il fallait se rendre dans les dépôts d’archives, situés dans les préfectures des départements, et demander à examiner les registres qui commençaient à être microfilmés et qu’on consultait alors au moyen d’une grosse visionneuse.
Ma toute première recherche eut lieu toutefois dans une mairie, celle du village natal de mon arrière-grand-père. La petite mairie possédait une collection de registres assez anciens, gardés dans une armoire, mais j’ai compris ensuite que cette situation était exceptionnelle (les registres de plus de 100 ans doivent être transmis par les mairies au dépôt d’archives départemental).
Ce premier voyage fut suivi d’autres : Picardie en septembre 1992, Lorraine en juin 1993, Normandie en avril 1994 puis de nouveau en mai 1996. J'ai consigné les informations découvertes lors de ces différents voyages dans des cahiers avant de les intégrer dans une base de données. La consultation des cahiers demeure toutefois intéressante, car on y voit de quelle façon, et avec quelles déductions, la recherche a peu à peu progressé. […]
Outil gratuit et accessible à tous
Selon une pratique habituelle en généalogie (numérotation SOSA), les personnes sont numérotées de la façon suivante :
- La personne servant de point de départ à l’arbre généalogique est numérotée 1. C’est la personne « racine ».
- Son père est le 2 et sa mère le 3
- Son grand-père paternel est le 4, sa grand-mère paternelle le 5, son grand-père maternel le 6, sa grand-mère maternelle le 7
- Etc.
On remarquera que :
- les hommes ont toujours un numéro pair (sauf pour la « racine »)
- les femmes, toujours un numéro impair
- le père d’une personne quelconque a un numéro double de son rejeton
- la mère, le double + 1
L’indicateur de génération apparaît en chiffres romains. La génération I est par convention celle de la personne « racine », la génération II celle de ses parents, la III celle de ses grands-parents, etc.
La première personne qu’on « rencontre » à une génération quelconque « G » a comme numéro d’ordre : 2 puissance (G-1). Et l’ensemble des personnes de cette génération G ont des numéros compris entre 2 puissance (G-1) et (2 puissance G) -1. Ainsi, le premier ancêtre à la génération VIII porte le numéro : 2 puissance (8-1) = 2 puissance 7 =128 ; le dernier porte le numéro : (2 puissance 9) -1 = 256-1 = 255.
Dénombrons les personnes. On trouve :
- 1 personne (soit 2 puissance 0) à la génération I,
- 2 personnes (soit 2 puissance 1) à la génération II => les parents
- 4 personnes (soit 2 puissance 2) à la génération III => les grands-parents
- 8 personnes (soit 2 puissance 3) à la génération IV => les arrière-grands-parents ou aïeux
- etc.
Généralisons : on trouve donc 2 puissance (G-1) personnes à la génération G et (2 puissance G)-1 personnes au total, de la génération 1 à la génération G.
Si l'on choisit la date repère de 2020 pour la première génération (une personne), à la huitième, sous Napoléon Ier (vers 1810), on dénombre 128 ancêtres. À la treizième génération, au début du règne de Louis XIV (vers 1660), ils sont 4 096 ; à la dix-septième, sous François Ier (vers 1540), 65 536. À la vingt-et-unième, à l'époque de Jeanne d'Arc (1420), on atteint le million d'ancêtres. Et si l'on remonte jusqu'à la mort de saint Louis (1270), le nombre des ancêtres d'une seule personne de 2020 dépasse les 32 millions d'individus, soit trois fois plus que le nombre d'habitants de la France à la même époque ! Bien sûr c'est un nombre théorique. Deux phénomènes limitent en pratique la prolifération fantastique des puissances de deux.
D'abord mes ancêtres, pour une bonne part, sont aussi les vôtres. Autrement dit nous sommes cousins et la probabilité d'un tel cousinage augmente à mesure qu'on remonte dans le temps. Par la génétique mitochondriale, le biologiste britannique Bryan Sykes va jusqu'à soutenir que l'ensemble des habitants de l'Europe et du Proche-Orient descendent de seulement sept femmes ayant vécu entre 6 et 43 000 ans avant notre ère. Il a exposé sa thèse en 2001 dans un livre qui ne fait pas l'unanimité dans la communauté universitaire : The Seven Daughters of Eve (Les sept filles d'Ève, Paris, Albin Michel, 2001).
Le deuxième phénomène est l'implexe. C'est le sujet du prochain article.
Un implexe est une personne qui apparaît à plusieurs endroits dans l’arbre généalogique. Ceci se produit notamment dans le cas où des descendants respectifs de deux frères (ou de deux sœurs ou d’un frère et d’une sœur) se rencontrent et ont des enfants.
Voici par exemple le cas de Julien Deshommeaux et Sébastienne Ganivet, deux de mes ancêtres. Julien et Sébastienne ont eu plusieurs enfants dont Perrine, née en 1628, et Jeanne, née en 1631. Chacune des deux sœurs s’est mariée et a eu des enfants, qui ont eu eux-mêmes des descendants.
Deux siècles et quelques générations plus tard, en 1835, l’un des descendants de Perrine Deshommeaux, Pierre Jourdon, épouse Jeanne Robert, elle-même descendante de Jeanne Deshommeaux, la sœur de Perrine (Cf. tableaux de descendance ci-dessous - x signifie : mariage).
Descendance de : Julien Deshommeaux 1606-1666 (XIII)
Conjoint(e) de : Sébastienne Ganivet -1667 (XIII)
XII Perrine Deshommeaux 1628-1686 x Mathurin Davy 1621-1678
XI Nicolle Davy v.1660-1724 x Olivier Lecompte v.1656-1716
X Jean Lecompte v.1695-1750 x Marie Dupont 1694-1750
IX Marie Lecompte 1717-1753 x Pierre Jourdon 1713-1775
VIII Pierre Jourdon 1746-1781 x Jeanne Carabin 1751-1823
VII Pierre Jourdon 1781-1831 x Julienne Gille 1776-1837
VI Pierre Jourdon 1813-1867:99 x Jeanne Robert 1811-1876
Descendance de : Julien Deshommeaux 1606-1666 (XII)
Conjoint(e) de : Sébastienne Ganivet -1667 (XII)
XI Jeanne Deshommeaux 1631-1687 x Jean Ravard -
X Jean Ravard vv.1670-1740 x Marie Cruau vv.1673-1748
IX Jeanne Ravard 1702-1781 x Jean Gautier 1703-1741
VIII Jean Gautier -1792 x Marie Vignon 1735-1782
VII Emerence Gautier 1776-1849 x Toussaint Robert 1772-1835
VI Jeanne Robert 1811-1876 x Pierre Jourdon 1813-1867:99
Pierre Jourdon et Jeanne Robert ont un fils, Michel Jourdon, père de ma grand-mère paternelle. Ainsi Julien Deshommeaux et Sébastienne Ganivet figurent-ils deux fois parmi les ascendants de Michel Jourdon (et parmi les miens, par la même occasion) : en tant qu’ancêtres de Pierre Jourdon (par leur fille Perrine) et en tant qu’ancêtres de Jeanne Robert (par leur fille Jeanne). Les deux « instances » de Julien, respectivement de Sébastienne, constituent un implexe. Tous leurs ascendants le sont également.
Le cas de Julien et Sébastienne n’est pas isolé. Plus on remonte dans les générations, plus le nombre d’implexes tend à s’accroître. Le phénomène de l’implexe réduit fortement le nombre d’ancêtres réels qui est de ce fait bien inférieur au nombre théorique calculé par la mécanique des puissances de deux.